Troisième soirée de ces Dimanches à l'Elysée qu'Alain Bashung nous offre cet automne... Il est un peu plus de 18 heures quand j'arrive devant l'Elysée Montmartre. Les portes de la salle n'ouvriront que vers 19 heures mais la file qui patiente le long du Boulevard Rochechouart et remonte le long de la rue de Steinkerque est impressionnante. Comme les quatre Olympia en juin dernier, ces six soirées à l'Elysée Montmartre affichent complet. Depuis la sortie du remarquable Bleu Pétrole, Alain Bashung n'en finit plus de remplir les salles...

Frédéric Metayer, alias Fred, promène sa guitare là où ses passions le mènent et le plus souvent en solitaire. Son deuxième album, Mes Graines (2008), a été produit par Jean Lamoot, artisan, entre autres, des albums d'Alain Bashung (Fantaisie Militaire et L'Imprudence) ou de Noir Désir (Des Visages, Des Figures). Pas étonnant donc que l'on retrouve Fred se réappropriant le "A l'Envers, A l'Endroit" de Noir Désir tout en assurant la première partie de Bashung...

Fred balance ses mots désabusés ("Mon Pays", "Déluge", "De C'côté Du Monde"), ses mots d'amour amers ("Dévoile"), en effleurant sa Gretsch, se samplant parfois pour superposer ses boucles de guitare, jonglant entre folk mélancolique et rock engagé. Une excellente première partie qui s'achève vers 20h00, saluée de beaux applaudissements.

Dès 20h10, le public réclame Alain Bashung... Un public éclectique où toutes les tranches d'âge depuis l'adolescence sont représentées, reflet d'un chanteur qui a traversé les années en séduisant toujours, ralliant à chaque album de nouveaux fans jusqu'à ce magnifique Bleu Pétrole (Barclay) sorti en mars. L'eau fraiche posée sur une petite table à côté du micro - et à laquelle il ne touchera pas - doit maintenant être tiède... Vers 20h30, enfin, c'est l'extinction des feux et l'arrivée des musiciens sur scène...

Une ovation salue l'apparition d'Alain Bashung, lunettes noires, chemise blanche, redingote et feutre noirs. Dans une lumière bleu électrique, assis sur un tabouret de bar, il attaque, en solo à la guitare acoustique, le grandiose "Comme Un Lego". Lentement, élégamment, un violoncelle entre dans la danse puis, tout doucement, une guitare électrique lui fait écho en un long sanglot qui glisse... La voix est forte et ferme... Des frissons me parcourent l'échine et je sens qu'à mes côtés, des centaines de poitrines retiennent leur souffle. C'est sublime et mes mots sont impuissants à traduire l'émotion qui a saisi l'Elysée Montmartre tout entier...

On embraye avec "Je T'ai Manqué" et "Hier à Sousse" puis c'est "Volontaire"... L'éclairage a viré au rouge, la rythmique est robotique et industrielle, l'écho est poussé à fond quand Bashung hurle Volontaire, tout est là pour renforcer l'urgence du morceau et lui conférer un caractère plus inquiétant que jamais. Même chose pour "Samuel Hall". C'est de la lave en fusion qui tombe des projecteurs, la gestuelle est mécanique et syncopée, l'instrumentation électrique... Ce titre déjà étrange sur disque, devient ici particulièrement violent. L'instant d'après, "Vénus" et son voile de velours vient poser un baume apaisant sur nos coeurs écorchés. Violoncelle et contrebasse en pizz rejoints bientôt par un banjo puis une batterie tout en retenue, c'est superbe !

Contrairement au concert donné aux Chorus des Hauts de Seine en avril, où la setlist était clairement tournée vers Bleu Pétrole, ce soir, Alain Bashung a pioché autant dans son dernier album que dans Fantaisie Militaire. De Osez Joséphine, trois rescapés seulement dont le titre éponyme, énergique et ovationné, "Happe", acoustique et sublime, et "Madame Rêve" joué en rappel et tout à fait prodigieux. La contrebasse est doucement caressée par son archet et Jean-François Assy, le génial violoncelliste, manie le sien avec une telle dextérité qu'il en tire des sons extraordinaires. Le public est à genoux et les applaudissements font trembler les moulures et plafonds de l'Elysée Montmartre. Après un "Calamity Jane", chanté main dans la main et en duo avec sa femme, le somptueux "Malaxe" vient refermer la soirée.

Présentation des musiciens, remerciements aux techniciens et au public puis, sur un court instrumental, Bashung quitte la scène. Pas de second rappel ce soir, pas d'"Angora" pour nous faire pleurer d'émotion mais, une fois encore, Alain Bashung nous aura offert deux heures d'un concert absolument fabuleux et, de bout en bout parfait. Impérial, sincère et magnétique... La classe à l'état pur !

SLB


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