Avec Écoutez D’où Ma Peine Vient, Alain Souchon publie son douzième album studio et ceci, seulement
trois ans après le magnifique La Vie Théodore. Depuis Ultra Moderne Solitude, paru en 1988, Souchon avait adopté
un rythme de croisière plutôt tranquille avec une nouvelle galette tous les cinq ou six ans et là, paf, sans crier gare, il nous
offre cet opus à la pochette bucolique. Avec les années, Souchon serait-il atteint du syndrome qui touche déjà des gens comme
Woody Allen ou Clint Eastwood, une boulimie de travail, un besoin urgent de s'exprimer, la crainte de ne pas avoir tout dit...
Peut-être... Mais selon l'intéressé lui-même, c'est beaucoup plus simple que cela. Il y avait ce documentaire qu’il avait accepté
de faire pour France 3, intitulé "Alain Souchon, le chanteur d'à côté", portrait intimiste filmé par la caméra de Laurent Thessier
et diffusé le 1er décembre 2008... Souchon a eu envie d'écrire quelques inédits pour ce documentaire. Il s'est donc mis à composer
une puis deux puis trois chansons et, de fil en aiguille, il y a eu assez de morceaux pour remplir un album...
L'homme élégant, comme il se définit à travers "Bonjour Tristesse", l'hommage à Françoise Sagan déjà présent sur
La Vie Théodore et qui trouve ici un nouvel arrangement, nous offre ainsi onze chansons qui brossent un
constat de l'état du monde. Ainsi, la chanson d'ouverture, "Rêveur", porte un regard très critique sur les
soixante-huitards et ce que sont devenues leurs douces illusions avec ces mots redoutables de justesse et de beauté
"Et puis la foule s'est mise à marcher / Au pas de loi du marché / Et c'est le CAC qu'a commandé". Comme toujours avec
Alain Souchon, les textes sont prodigieusement impeccables, incroyablement recherchés, toujours
poétiques et appuient là où ça fait mal. On a cité "Rêveur" mais que dire, surtout dans le contexte actuel, de
"Parachute Doré" et son humour acide. Souchon est souvent considéré comme un gentil chanteur mais derrière son air
de ne pas y toucher, Souchon, est un chanteur bien plus engagé que bon nombre de ses contemporains. Ecoutez "Elle Danse"
et ses références aux problèmes d'immigration ou aux clandestins victimes de passeurs voyous, savourez le superbe
"8 m2" qui évoque la vie carcérale et vous avez une photographie de l'actualité, un instantané des problèmes qui
chiffonnent Souchon.
A côté de ces sujets graves, Alain Souchon sait aussi se faire plus léger dans de belles
ballades pleines de mélancolie ou de douce nostalgie comme sur les très beaux "Les Saisons" et "La Compagnie" ou
encore ce "Ecoutez D'où Ma Peine Vient" qui donne son nom à l'album et nous rappelle "En Collant L'oreille Sur L'appareil".
Finalement, qu'il nous entraîne dans ses rêveries ou qu'il chante des chansons engagées,
Souchon a su toucher juste et une fois encore, on est prêt à le suivre... Sans aucune hésitation !