Darius Keeler et Danny Griffiths, les deux piliers d'Archive et membres fondateurs du groupe, ont poussé dans ses derniers retranchements leur savoir faire musical pour renouer avec le meilleur. Ce sixième album porte définitivement la signature Archive avec ses longues plages mêlant pop psychédélique, rock progressif et post rock névrotique, ses morceaux teintés de trip hop et d'electro lanscinante ou ses titres chassant sur les terres du hip hop. Controlling Crowds s'ouvre sur le titre éponyme, une merveille de psyché rock planant aux nappes hypnotiques qui place d'emblée l'album parmi les meilleurs du groupe, directement aux côtés de Londinium ou You All Look The Same To Me. Le morceau dure dix bonnes minutes mais il pourrait tout aussi bien s'étirer encore que le résultat serait le même... Le temps est suspendu et on reste envoûté par tant de grâce mélodique. On pense bien sûr à Pink Floyd, celui des années 70, influence totalement revendiquée d'Archive.

On enchaîne sur "Bullets", titre plus urgent, qui délaisse le psychédélisme pour un post rock porteur de véritable névrose. Pollard Berrier répète inlassablement ses phrases comme un autiste qui boucle, incapable de sortir du monde dans lequel il est enfermé, ou comme un schizophrène captif de son obsession. Si "Words on Signs" nous délivre de ce malaise par son côté plus calme, l'ambiance n'en est pas moins sombre pour autant. On pense à "Is There Anybody Out There ?" ou "Nobody Home", ces morceaux de The Wall - Pink Floyd toujours - où la folie guette un personnage qui souffre d'isolement. "Dangervisit" enfonce le clou. D'abord planant, il monte en puissance et sur la longueur nous entraîne dans la névrose du personnage maintenant en pleine dépression. Enfin "Quiet Time" clôt cette première partie d'un album divisé en trois. Un flow hip hop que l'on doit au rappeur Rosko John, déjà présent sur Londinium mais que l'on n'avait plus entendu depuis, sur un fond musical plutôt trip hop... Un genre dans lequel Tricky excelle, capable de faire monter la tension jusqu'à un niveau quasi insoutenable. Archive se montre moins inspiré qu'Adrian Thaws dans cet exercice et le titre ne véhicule pas la violence attendue.

La seconde partie démarre comme avait débuté la première, par une longue plage planante, le très beau "Collapse/Collide" chanté par Maria Q. Ce second volet de Controlling Crowds est moins homogène que le précédent. Là où la progression vers la dépression se ressentait parfaitement dans la première partie, on est ici un peu dérouté par l'éclectisme des morceaux. "Clones" mêle envolées psychédéliques, électro indus et krautrock. "Bastardised Ink" alterne hip hop rappé par Rosko John et envolées lyriques féminines, "Kings of Speed" est un titre pop au rythme enlevé tandis que "Whore" est un trip hop lent et lanscinant.

Enfin, la dernière partie renoue avec la sombre beauté de la première partie. Trois titres impeccables. "Chaos", chanté par Pollard Berrier, lent et planant, comme apaisé. "Razed to the Ground" mêlant avec élégance nappes trip hop, électro voluptueuse, hip hop rappé et rythmes indus synthétiques, une vraie réussite. Puis "Funeral" pour terminer. Fabuleux morceau de rock planant et un peu pompier qui nous ramène au Atom Heart Mother de Pink Floyd. La boucle est bouclée et Archive devrait reconquérir les fans perdus en cours de route avec cet album plutôt réussi.