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Zed Van Traumat - Interview

25 Mars 2010


Le 29 Mars prochain sort Belge Andalou, le premier album de Zed Van Traumat, un disque qui nous a vraiment impressionné. Nous ne sommes pas les seuls à avoir apprécié ce très beau disque puisque c'est Francis Cabrel en personne qui l'a produit via sa société, Chandelle Productions. Pour savoir ce que nous avons pensé de l'album, rendez-vous ici. Nous avons souhaité rencontrer l'auteur de ce chouette Belge Andalou à quelques jours du concert qu'il donnera aux Trois Baudets (Paris) pour la sortie du disque...

01audio-video : Tu chantes en français mais tu ne te reconnais pas dans une certaine chanson française ("Chanteur Français"). De quelle chanson te réclames-tu ?
Zed : D'une chanson où le texte prédomine, d'une chanson qui fait usage d'une langue vivante, qui s'alimente aussi bien aux sources savantes que populaires, héritière et refuge d'une voie poétique qui remonte à François Villon (et avant ça à la nuit des temps ?) et qui s'incarne au vingtième siècle dans le génie de Trenet, de Brassens, Brel, Ferré, Barbara, Gainsbourg, Nougaro, Higelin, Souchon... pour ne citer que des auteurs-compositeurs-interprètes particulièrement prolifiques... Plus que les chanteurs ce sont les œuvres qui m'importent. Arriver à créer au cours de sa vie au moins une chanson qui soit à la hauteur de "L'affiche Rouge", de "Y a d'la Joie", de "Cargo Culte" ou du "Bagad de Lann Bihoué", c'est ça qui m'anime.

01audio-video : Y-a-t-il des artistes chantant en français que tu admires dans la génération actuelle ? Si oui, lesquels ?
Zed : Il y a des tas d'artistes dont le talent me semble incontestable et que je respecte infiniment pour leur énergie et leur travail... Mais j'ai l'admiration difficile et surtout je manque de recul. J'ai le sentiment qu'on est dans une époque qui privilégie le consommable, le jetable, le prémaché et le prédigéré. Qu'est-ce qui surnagera de la production actuelle dans quinze ans ? Qu'est-ce qui aura marqué l'époque ? Je préfère rester sur la réserve...

01audio-video : Combien de temps a-t-il fallu pour écrire Belge Andalou ? Depuis combien de temps ce premier album est-il en chantier ?
Zed : C'est un répertoire que j'ai mis en chantier en 2005. Je l'ai rôdé sur de petites scènes en région. Nous l'avons enregistré courant 2008. Ça peut sembler long mais c'est passé très vite !

01audio-video : Pour un premier album, il parait incroyablement abouti. C'est l'album que tu avais en tête ?
Zed : Je suis avant tout un artiste de scène. Jusqu'à présent, j'avais toujours eu du mal à franchir le cap de la fixation. Cette fois, j'ai la sensation que c'est plutôt réussi... On a réuni les conditions pour que ce soit à la fois vivant et suffisament léché pour tenir les réécoutes successives.

01audio-video : Comment travailles-tu ? Tu es plutôt du genre perfectionniste ou pas du tout ?
Zed : Je suppose que je suis un véritable chieur dans mon genre et pour ce qui concerne mon domaine de compétences. Mais ce disque doit aussi énormément à l'équipe de réalisation - Yop Iratçabal qui l'a enregistré et mixé, Guillaume Schmidt qui a écrit tous les arrangements de cuivres, les autres musiciens qui ont beaucoup donné d'eux-mêmes. Un disque c'est vraiment une œuvre collective, la somme des exigences de tous.

01audio-video : Tu fais tout tout seul ? Paroles ? Musique ?
Zed : Oui, j'ai écrit et composé seul tous les titres de cet album, hormis la musique de "Nadar", signée Arnaud Houpert, le violoncelliste de mon ancien groupe. "Ça" s'appelait Traumat & Triogolo et "ça" a connu un début de parcours assez fulgurant au début des années 2000, avant de spliter de façon tout aussi fulgurante en 2002. Violente déception pour moi : j'ai cru ne jamais pouvoir remonter sur une scène. Et puis le manque m'est revenu... Plus question de groupe ou de dépendre de qui que ce soit : je devais tout faire par moi-même... A présent les choses sont différentes et j'ai entamé plusieurs collaborations...

01audio-video : Comment as-tu appris la musique ?
Zed : A quinze ans, je me suis acheté une guitare et une méthode, et j'ai gratté jusqu'à ce qu'il en sorte quelque chose qui me permette de chanter par dessus.

01audio-video : Tes textes sont un vrai bonheur... Tes influences sont plutôt littéraires ou non ?
Zed : Je ne me sens pas vraiment d'influences en matière de textes. Plutôt des réminiscences... Et elles proviennent d'absolument partout : de la littérature, de la poésie, de la chanson à texte, de la chanson populaire des années 70-80, de la publicité... Il y a aussi des personnages qui me fascinent, des inventeurs de la langue. Des gens qui ont une manière unique et géniale de dire les choses, de tourner les phrases, de créer des mots ou des expressions. Ça peut être des intellectuels comme des gens de peu. Andréa, ma voisine, qui a 87 ans, épouse d'un tuilier Saintongeais, a une façon inimitable de s'exprimer. Je l'écoute avec gourmandise. Et dans mes chansons, je régurgite.

01audio-video : Qui s'est occupé de la production ?
Zed : Le disque a été totalement autoproduit, via une structure associative. Nous l'avons sorti régionalement en Mars 2009 et vendu à la sortie des concerts, sans aucune promotion. Chandelle Productions l'a racheté et le ressort aujourd'hui à l'échelle nationale avec une distribution Sony.

01audio-video : Cela a-t-il été difficile de trouver un label ?
Zed : Francis Cabrel est apparu dans ma loge à l'issue d'un concert et m'a dit qu'il souhaitait m'aider. Avant ça, je n'avais jamais pris que des portes dans la tronche.

01audio-video : As-tu envoyé des "maquettes", comme on disait avant, à de nombreuses personnes ? Si, oui, quelle a été la réaction de tes interlocuteurs à l'écoute de tes chansons ?
Zed : Fin 2008, le disque étant prêt, nous l'avons envoyé à peu près partout. Nous avons reçu cinq ou six refus polis.

01audio-video : Pourquoi ce titre : Belge Andalou ?
Zed : C'est un oxymore, une figure de style basée sur l'opposition des termes, qui exprime assez bien mon sentiment d'étrangeté dans ce monde ? C'est la réunion de deux identités un peu blessées ? C'est la rencontre de Michaux et de Garcia-Lorca ? C'est la dérision noire et le tragique d'opérette ? C'est une ceinture de chasteté sur la tête ? C'est un entonnoir transparent pour cacher mes parties génitales ?

01audio-video : Tu as un esprit caustique - mais très juste - assez marqué. C'est la société qui t'effraie ?
Zed : Effectivement, je ne me sens pas à l'aise dans cette société industrielle et capitaliste dite "de croissance". Je la trouve injuste, vénale, violente, désespérante. Elle prétend atteindre l'efficacité en mettant tout en équation, choses et êtres. Au nom d'une pseudo rationalité, elle nous coupe de l'essentiel de notre humanité. J'ai l'impression qu'elle s'acharne à massacrer ce qui reste de beauté dans le monde.

01audio-video : Par ailleurs, il y a également des titres d'une grande sobriété sur ton album. On pense à "Nadar" par exemple. Pourquoi cet hommage à Nadar d'ailleurs ?
Zed : Comme la plupart de mes chansons, celle-ci part d'une simple trouvaille de langage. "Je ne suis rien ni personne : Nadar." Les quatre couplets construits autour de ce jeu de mots tentent simplement d'expliquer comment quelqu'un pourrait se considérer comme étant "rien ni personne" tout en étant absolument le contraire - en l'occurrence un artiste immense et l'un des pères de la photographie.

01audio-video : Donc, pour revenir à la question précédente, l'humour et le cynisme ne sont pas tes seuls moteurs ?
Zed : L'humour noir, la dérision, c'est surtout une manière de me protéger, de rendre le réel supportable en le mettant à distance. Ce n'est pas quelque chose de moteur chez moi. Le moteur, ce serait plutôt un besoin d'appeler le monde à un peu plus d'amour : un vrai Jésus, quoi !

01audio-video : Qu'est-ce que tu écoutais dans ton adolescence ? Qu'est-ce qui t'a influencé ?
Zed : Ma révolte adolescente a trouvé une sorte de miroir dans la scène punk-new wave du milieu des années 80. J'écoutais des trucs bien barges, de la musique industrielle... Joy Division, Nick Cave... Plus tard Sonic Youth, Lydia Lunch... J'en ai gardé le goût d'un certain expressionisme, d'une certaine noirceur flamboyante.

01audio-video : A quel moment tu t'es dit que la musique serait ton métier ?
Zed : La première fois que je suis monté sur une scène en tant que chanteur, j'avais environ 23 ans. J'ai senti que j'avais quelque chose de particulier à faire à cet endroit-là. Ensuite, il m'a fallu pas mal de temps pour y croire, et encore davantage pour en convaincre les autres.

01audio-video : Là, tu vas sans doute entamer une tournée pour la promotion de l'album mais est-ce que tu as d'autres projets ?
Zed : J'ai un nouveau répertoire en chantier, plein de chansons à monter. J'ai également très envie d'écrire pour d'autres.

01audio-video : D'après les échos glanés sur le web, tu as une réputation scénique très flatteuse... Tu aimes la scène ? Tu en as besoin ?
Zed : Comme je le disais tout à l'heure, la scène est un endroit très important pour moi. C'est je crois le seul endroit au monde où je me sente parfaitement à ma place. Du coup c'est quelque chose d'absolument nécessaire à mon équilibre.

01audio-video : Est-ce que la "bénédiction" de Francis Cabrel t'a ouvert des portes ?
Zed : Francis Cabrel m'a ouvert les portes de sa société de production, Chandelle, ce qui est déjà quelque chose d'extraordinaire. Je ne le remercierai jamais assez de m'avoir tendu la main.

01audio-video : As-tu un message à faire passer ?
Zed : La vie est trop courte pour se la gâcher.

01audio-video : Ta playlist actuelle ?
Zed : Rien de très actuel ni de très "mainstream". Shahram Nazeri - le trio Joubran - Jorge Cafrune - Marcos Sacramento - Lila Downs - Mulatu Astatké - Brigitte Fontaine - et le chant des oiseaux parce que c'est quand même le printemps, dans la nature...

SLB

Site de Zed Van Traumat



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