Jeanne Plante est indéniablement douée. Elle sort un premier album intitulé Les Mots Cachés et dès la première écoute, on tombe sous le charme. Cette jeune femme n'a pas son pareil pour raconter de petites histoires, parfois très drôles, parfois un peu tristes mais toujours pleines de poésie. Dans la tradition des plus grands de la chanson française, elle sait, comme peu le savent encore, jongler avec les mots et installer un climat. Il faut dire que ses influences sont plutôt éloquentes. Sa famille musicale compte Boris Vian comme arrière grand père (le délirant "Au Pays des Bonobos" est d'ailleurs un très bel hommage), Brigitte Fontaine fut sûrement l'une de ses grands mères (dans l'esprit "Ça Tourne Pas Rond" est assez proche d'un titre comme "Le Nougat"), Juliette et Jean Guidoni sont probablement ses parents et Jeanne Cherhal est certainement l'une de ses soeurs cachées. Le dénominateur commun de ces illustres prédécesseurs ? L'humour bien sûr, parfois teinté d'une pointe d'irrévérence, l'amour des mots et des phrases bien tournées, la mélancolie qui affleure derrière la poésie et un goût certain pour les orchestrations classsiques.

Il faut dire que Jeanne Plante a confié les arrangements et la réalisation de son disque à Gilles Coquard, ami et complice issu du jazz, et qu'elle s'est entourée de musiciens éclectiques (mais tous excellents) jouant d'instruments aussi hétéroclites que le duduk (flûte arménienne), la balalaïka, le charango (guitare de Bolivie), le guitarron (grosse guitare du Mexique), la mandoline ou le steel drum. Les arrangements sont impeccables, tout en subtilité et mettant clairement en valeur les textes de Jeanne.

Les must de ce fort joli disque ? Pour l'humour décapant et la frivolité, on se repassera en boucle "Au Pays des Bonobos" et "Ça Tourne Pas Rond". Pour les adeptes de la mélancolie, "Les Cheveux Blancs" et "La Passoire du Temps Perdu" (quelle belle formule) sont incontournables. Nimbés de tendresse, voilés d'une douceur un peu triste, on ne s'en lasse pas. Mais, pour moi, le subtil et superbe "Les Mots Cachés" est le plus beau morceau de l'album. Cette chanson me rappelle à chaque écoute le Jean Guidoni des années 80, le Jean Guidoni de Crime Passionnel, à l'époque du tandem Pierre Philippe / Astor Piazzolla. Ça n'est d'ailleurs pas la seule chanson qui ramène à l'univers de Guidoni. Des morceaux comme "Ce Soir dans mes Draps" ou "La Vie Reprend" m'y font invariablement penser. La façon de chanter de Jeanne Plante sans doute... Quoi qu'il en soit, Les Mots Cachés méritent d'être prononcés au grand jour et on souhaite à Jeanne Plante un avenir radieux.