On le sait, depuis toujours Léo Ferré a été l'un des modèles de Bernard Lavilliers. Déjà en 1980, il enregistrait
le superbe "Est-ce Ainsi Que Les Hommes Vivent ?" sur l'album O Gringo. Plus tard les deux hommes sont devenus amis, se rencontrant de temps à
autre jusqu'à cette fête de l'Humanité en 1992 où Lavilliers chante avec Léo Ferré quelques mois seulement avant que ce dernier ne
soit hospitalisé. Alors pourquoi avoir attendu si longtemps pour nous offrir cette évidence, un album hommage à Léo Ferré ? Apparemment,
monter ce projet a été un véritable challenge. Il faut dire que réunir un chanteur, son groupe, un orchestre symphonique et un chef
d’orchestre pour mettre en place 25 titres et présenter un ensemble cohérent était effectivement ambitieux. Lavilliers a relevé avec classe ce
défi qui lui tenait à coeur... Le résultat ? Une tournée
triomphale à travers la France (plus de 30000 spectateurs) en 2006, trois concerts symphoniques (celui d'ouverture au Théâtre du Châtelet, à Paris,
devant une salle comble et en présence de Marie-Christine Ferré, veuve de Léo, à Toulouse et le dernier à Lyon devant ses propres parents) et
ce DVD qui sort aujourd'hui. Lavilliers chante Ferré a été enregistré et filmé le 24 Octobre 2006 à l’auditorium Maurice Ravel de Lyon.
Le concert est divisé en trois parties. Un début très sobre en piano voix pour quelques chansons en toute intimité. Xavier Tribolet est
au piano, Lavilliers est debout, pantalon de cuir et chemise sombre, faisant corps avec son micro. L'éclairage est très chiche et la caméra a
bien du mal à faire le point. L'ambiance est au recueillement. On poursuit avec quelques uns des musiciens qui accompagnent d'habitude
Bernard Lavilliers dans ses tournées, Vincent Faucher à la guitare, Gil Gimenez à la batterie et Thierry Fanfant à la basse
(ou contrebasse). Le concert prend alors réellement son envol. Pour cette deuxième partie, Lavilliers a choisi des morceaux qui appartiennent
à la période psychédélique de Léo Ferré, celle où il a collaboré avec le groupe Zoo et les Moody Blues. Les arrangements ont été revus et
collent à l'univers de Lavilliers. "Si Tu T’en Vas" devient une bossa qui pourrait figurer sur l'un de ses albums, "La The Nana" est un slow
façon "Attention Fragile", "C’est Extra" est doucement jazzy, "Mr William" devient latino et flirte avec "Capoeira", "La Maffia" ou "L’Étrangère"
sont rythmés façon jazz manouche... Après "L’Affiche Rouge", superbe et planant en diable, très seventies dans l'âme, "Préface",
texte parlé, annonce la dernière partie du concert, un final symphonique avec un orchestre de 90 musiciens.
On commence sur l'exceptionnel "La Mémoire et la Mer" qui vous colle des frissons incroyables puis Lavilliers abandonne le
Ferré auteur compositeur pour le Ferré mettant en musique les plus grands poètes, Rimbaud, Verlaine, Aragon et Caussimon.
On aurait pu penser que Lavilliers aurait été moins à l’aise face à une formation classique et finalement c'est cette dernière partie
du concert qui est la véritable surprise de l'enregistrement. Les orchestrations sont parfaites, l'interprétation de
Lavilliers est grandiose et l'on est tout simplement captivé. "Les Assis", "O Triste, Triste Était Mon Âme",
"Les Corbeaux", "Avec Le Temps", "Est-ce Ainsi Que Les Hommes Vivent ?"... sont autant d'instants exceptionnels pendant
lesquels l'intensité émotionnelle est à son comble.
Si Lavilliers a réalisé son rêve, ce Lavilliers chante Ferré est une grande réussite et le plus bel
hommage qui soit !