Qui sera le groupe le plus psychédélique de 2010 ? Public, à vos télécommandes ! A ma droite, MGMT dont le deuxième album sortira en Avril prochain. A ma gauche, Liars qui publie son cinquième opus ce mois-ci. Les trublions de Liars nous ont habitué à changer radicalement de style d'un disque à l'autre. Ceci leur valut d'ailleurs de perdre une partie de leur public entre They Threw Us All in a Trench and Stuck a Monument on Top (2001), de style plutôt post punk, et They Were Wrong, So We Drowned (2004), orienté noise. Qu'à cela ne tienne, le trio poursuit ses expérimentations et continue d'explorer ses racines. Avec Sisterworld, Liars revisite le rock psychédélique et expérimental de la fin des sixties et s'écarte du son noisy de ses précédents opus. Seuls "Scarecrows On A Killer Slant" et "The Overachievers" sont là pour nous rappeler le récent passé bruitiste du groupe et passer le témoin.

Ce cinquième album des new-yorkais emprunte des traverses jadis fréquentées par Pink Floyd et Sisterworld pourrait être la petite soeur de monuments comme The Piper at the Gates of Dawn, A Saucerful of Secrets ou surtout Ummagumma. C'est tout à fait criant sur "Here Comes All The People", "Drip", "Proud Evolution" ou "Goodnight Everything" (les cuivres ont un petit quelque chose de Atom Heart Mother ou je ne m'y connais pas) par exemple. Le plus drôle c'est que ces trois garnements n'étaient pas nés que Roger Waters et ses acolytes délaissaient les expérimentations avant-gardistes pour une approche plus commerciale. A croire qu'avant d'écrire Sisterworld, Angus Andrew, Julian Gross et Aaron Hemphill ont bourré leurs iPod de tous les titres que le Floyd a pu composer entre 1967 et 1970 et se les sont ensuite ingurgités en boucle pendant des mois avant de laisser reposer... A moins que l'ambiance de Los Angeles, où le trio s'est installé pour enregistrer cet album, y soit pour quelque chose. La démarche de Liars, ici, rappelle celle de Radiohead et d'ailleurs, à certains égards, un titre comme "Proud Evolution" fait penser aux compos du groupe anglais.

Les fans seront peut-être déroutés une fois de plus mais Sisterworld est d'une telle classe qu'on parie fort que Liars se fera sans problème un nouveau public qui viendra grossir les rangs de ses aficionados. Plus mélodique que ses prédécesseurs, plus accessible aussi, Sisterworld est d'un raffinement certain. La noirceur et le désenchantement de certains textes trouvent leur contrepoint dans la douceur apportée par des arrangements faisant souvent appel à des cordes et des cuivres. Rien à redire, c'est probablement le plus bel album de Liars à ce jour.