La Cigale accueille ce soir la joyeuse troupe des Moriarty. Le groupe n'a sorti à ce jour qu'un seul album, Gee Whiz But This Is A Lonesome Town, mais le bouche à oreille a bien fonctionné puis le buzz a pris le relais et nous voilà donc, après une Maroquinerie sold out en octobre, avec un concert à la Cigale qui affiche également complet depuis longtemps. Pour ouvrir la soirée, Moriarty a invité des amis... C'est ainsi que nous aurons droit à non pas une mais deux premières parties. C'est Don Cavalli qui commence puis la chanteuse canadienne, Lenni jabour, enchaine.

La soirée devait commencer à 20h00... C'était l'heure affichée mais compte tenu des deux artistes devant assurer la première partie avant le concert de Moriarty, c'est finalement à 19h30 que Don Cavalli attaque son set. Malheureusement pour lui, il jouera devant une salle quasi vide. Accompagné de deux musiciens, un batteur et un bassiste qui n'est autre que ... le batteur de Moriarty, Don Cavalli va nous emmener de l'autre côté de l'Atlantique. Si l'homme est français et blanc, ses racines, c'est certain, viennent d'Amérique. Et sa musique, un rock fortement teintée de blues, a plus à voir avec celle des bluesmen noirs du Mississipi, qu'avec le rock d'ici. Il n'y a qu'à écouter "I’m Going To The River" (voir absolument la video visible sur MySpace) ou "Cryland", morceau qui donne son titre au quatrième album de Don Cavalli (Because, 2007) pour s'en convaincre. Malgré un public clairsemé, les morceaux enlevés de Don Cavalli, soutenus assez souvent par une grosse rythmique, obtiendront de beaux applaudissements.

Après quelques minutes de pause, Lenni Jabour entre en scène, dépose sa veste de fourrure sur le dossier de sa chaise et s'installe au piano. Je ne connaissais pas cette jeune femme, et gageons qu'une bonne partie du public non plus, mais c'est une excellente surprise ! Si Lenni Jabour est canadienne et fait partie de la scène indépendante de Toronto, elle a décidé de passer quelques mois à Paris ("La classe", nous dira-t-elle). Elle y est depuis le mois de février et on peut la voir à L'Ogre à Plumes (Paris, Rue Jean-Pierre Timbaud) jusqu'à fin mai. Je ne peux que vous encourager à découvrir d'urgence cette jeune femme épatante et pleine d'humour. Elle est seule en scène mais elle assure le spectacle sans problème.

Sa musique oscille entre ballades folk mélancoliques ("Angie Say A Prayer", "A Little Sad"), où son jeu de piano évoque parfois Satie, piano cabaret et chansons appartenant à la veine réaliste, "Les Fleurs Mécontentes", chanté en français, fait penser à du Pierre Philippe.

Le clou de la prestation reste l'interprétation de "I Love Rock'n Roll", ce morceau du groupe The Arrows, devenu tube en 1982 grâce à la reprise de Joan Jett. Comme c'est une soirée plutôt rock nous explique Lenni Jabour, elle se devait de nous faire un titre rock... Seulement, sa version est tellement réarrangée qu'elle déclenche la franche hilarité d'un public maintenant nombreux.

Au bout de trente minutes tout à fait passionnantes, Lenni Jabour quitte la scène en brandissant un panneau où est inscrit le mot "Fin". Elle reçoit une ovation extraordinaire laissant un public sous le charme...

Vers 21h10, la salle, maintenant bondée, commence à s'impatienter et donne de la voix. C'est apparemment le signal que le groupe attendait puisque les lumières s'éteignent et que le rideau s'ouvre... Les musiciens arrivent un à un, des pots de fleurs dans les bras, qu'ils disséminent sur scène. Petite intro instrumentale avant que Rosemary ne paraisse... Et c'est parti pour une heure et demi d'évasion en compagnie des Moriarty.

Avec des influences aussi éclectiques que les leurs (country, blues américain des années 30, jazz, folk, cabaret allemand, classique...) les Moriarty façonnent une musique originale qui n'a pas trop son équivalent en France. Pas étonnant que le public suive... Après la sortie en octobre de Gee Whiz But This Is A Lonesome Town (Naïve) et une Maroquinerie dans la foulée qui a affiché complet très vite, c'est maintenant au tour de la Cigale. Nombreux sont les malheureux qui ce soir, cherchaient encore à acheter un billet devant l'entrée de la salle ! Il faudra qu'ils patientent jusqu'en octobre... Un Olympia est en effet d'ores et déjà programmé !

La quasi totalité de l'album sera interprétée avec quelques titres supplémentaires pour compléter une setlist impeccable. Le groupe attaque avec "Animals Can't Laugh" qui reçoit d'emblée une ovation qui ne sera que la première d'une longue liste. Il faut dire qu'il est impossible de rester de marbre à l'écoute de

titres aussi beaux que "Private Lily", "Cottonflower", "Whiteman's Ballad" ou "Hanoï Blue", de ne pas chanter avec tout le monde sur l'imparable "Jimmy", de ne pas s'enflammer sur les solos d'harmonica ou de guimbarde de Tom, de ne pas être ému par la voix magnifique de Rosemary, de ne pas rire de bon coeur à l'interprétation un brin décalée du "Enjoy The Silence" de Depeche Mode !

Après un prodigieux "Whiteman's Ballad" qui enflamme une Cigale debout - même au balcon - et frappant dans ses mains, titre qui nous offre une fois encore un de ces solo d'harmonica dont seul Tom a le secret, les Moriarty saluent leur public avant de quitter la scène sur une ovation démente. La salle frôle l'hystérie, le sol vibre sous les centaines de pieds qui le martèlent et trépignent pour réclamer le retour du groupe...

Le rappel commence avec "Hanoï Blue", un titre mélancolique, lent et nostalgique, beau à pleurer, que le public écoute religieusement en silence. S'ensuit un "Bacon" que j'avais déjà eu l'occasion d'entendre à l' EMB puis, après avoir remercié la salle, Moriarty invite ses amis de la première partie à les rejoindre sur scène pour jouer tous ensemble un "Mystery Train" endiablé qui semble clore le concert.

Mais, contre toute attente, alors que le rideau s'est refermé, que la musique de fond a repris, le groupe revient une fois encore ! Le public a bien fait de tenir bon ! Sur un superbe "Long Is The Night" qui met parfaitement en valeur la voix de Rosemary, la soirée s'achève pour de bon cette fois... Ultime salut des Moriarty au complet tandis qu'un jeune homme monte sur scène offrir des fleurs à Rosemary. Le chanceux sera récompensé d'une bise ! Le rideau se ferme et c'est fini...

Rendez-vous est pris pour l'Olympia !

SLB

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