Deux ans après le splendide Let In The Light, Shannon Wright sort son septième album.
Honeybee Girls... Quel joli nom ! Le disque s'ouvre sur "Tall Countryside". Un morceau apaisé, porté par une guitare
acoustique sereine et la voix de Shannon Wright. Un morceau honnête mais qui ne nous transporte guère. L'Américaine nous a
habitué à beaucoup mieux alors, forcément, on devient exigeant. On ne retrouve pas dans cette chanson la fulgurante beauté
des compositions de l'opus précédent ni une intensité propre à faire monter l'émotion. On enchaîne sur un
"Trumpets on New Year's Eve" beaucoup plus électrique. La guitare se fait tranchante mais la rage insondable des premiers LP,
Maps Of Tacit ou surtout le génial Dyed in the Wool, n'est pas là. Ces deux premiers titres donnent l'impression
que Shannon Wright, bipolaire, hésite entre la lumière et la colère sans pouvoir choisir... Honeybee Girls a donc
un peu de mal à trouver son rythme. Heureusement ces petites hésitations se font vite oublier... Le reste du disque est un
sans faute.
"Embers In Your Eyes"... Electrique et posé à la fois. Beauté et rage se font face dans un équilibre retrouvé. Ce
constat étant posé et Shannon Wright ayant repris ses marques, on peut dérouler en toute quiétude des
mélodies aériennes, des ballades dépouillées jusqu'à l'os, de celles qui faisaient la force de Let In The Light.
A commencer par "Honeybee Girls" ou "Father", les deux pièces maîtresses de l'album, véritable colonne vertébrale du
disque. Le premier, avec ses orchestrations impeccables, sa belle ligne de guitare qui nous accompagne tout au long du
morceau, son piano et ce violoncelle discret, est d'un apaisement total. Quant à "Father", il vous fera à coup sûr
dresser les poils sur les bras ou courir de petits frissons le long de l'échine tant il est superbe d'émotion contenue.
Une retenue symbolisée par cette voix fantomatique à force de réverb. Comme si Shannon Wright ne pouvait se résoudre
à se livrer totalement à nu.
Là où Let In The Light avait mis du piano partout, un piano qui faisait jaillir la beauté et nous faisait
découvrir une nouvelle Shannon Wright, il y a beaucoup de guitares dans Honeybee Girls. Pas des
guitares mitraillettes hurlant la rage et semant la haine. Ici les guitares sont au service de compositions apaisées comme
sur ce chouette "Black Rain", mélancolique et quasi folk. N'oublions pas le magistral "Strings Of An Epileptic Revival", au
piano omniprésent, sorte de berceuse schizophrène pour autiste enfermé dans son obsession, avant de refermer doucement
l'album sur "Asleep", belle reprise des Smiths.
Même si l'on peut regretter qu'Honeybee Girls soit aussi court (à peine plus de trente minutes),
Shannon Wright ne déçoit pas et poursuit son chemin, entière et sincère toujours, dans la colère comme
dans l'apaisement. On lui emboîte le pas...