Sans faire de vagues, les Islandais les plus célèbres (après Björk) dans le domaine musical, font leur petit bonhomme
de chemin et nous offrent leur cinquième album studio. A peine huit mois après les sorties quasi simultanées de
Heima,
superbe DVD illustrant une série de concerts donnés sur ses terres natales, concerts gratuits et souvent improvisés en pleine nature, et
de Hvarf/Heim, double CD comprenant un album d'inédits enregistrés en studio et un album acoustique revisitant six de
ses plus grands titres, Sigur Rós fait à nouveau l'actualité avec ce Með Suð I Eyrum Við Spilum Endalaust
tout à fait imprononçable. La traduction en est With A Buzz In Our Ears We Play Endlessly mais, finalement, peu importe.
A ce propos, le fait que Sigur Rós chante en Islandais ou en Vonlenska, cette langue imaginaire inventée par leur chanteur Jon
Thor Birgisson (Jonsi), est plutôt une très bonne chose pour nous autres français et tout au plus anglophones... On ne cherche
pas à comprendre les paroles et on peut ainsi se concentrer sur l'essentiel, la musique ! La voix redevient ainsi un instrument
parmi les autres...
Quand on aime Sigur Rós, Með Suð I Eyrum Við Spilum Endalaust ne peut que nous ravir. On y retrouve
tout ce qui fait le charme du groupe, la voix très haute de Jonsi, une rythmique reconnaissable entre toutes, des cordes
omniprésentes, ce jeu de guitare frottée à l'archet, une pop évanescente, des ambiances mélancoliques... Ainsi "Goðan Daginn",
"Með Suð I Eyrum", "Illgressi" ou "Fljótavik" sont du pur Sigur Rós, des morceaux qui auraient pu figurer sur Ágætis Byrjun
(1999) ou sur le génial ( ) (2002). Rien qu'avec ces titres, tout fan du groupe serait déjà comblé mais "Festival" et
"Ára Bátur" placent la barre encore plus haut. Sommets de Með Suð I Eyrum Við Spilum Endalaust, ces
morceaux sont de véritables fresques symphoniques. "Festival", et ses 9 minutes 23, est composé comme une pièce classique, en
plusieurs mouvements. Dépouillé sur sa première moitié qui ne laisse entendre que la voix de Jonsi et un orgue discret, il
éclate ensuite quand la rythmique puis les divers instruments entrent en scène pour finir en instrumental épique. Quant à
"Ára Bátur", si le nom de Symphonie Pastorale n'était pas déja pris, il conviendrait parfaitement à ce morceau qui
tangente les 9 minutes. Là encore, on démarre tout doucement, sur un voix piano qui monte en puissance et s'achève avec l'orchestre
du London Sinfonietta (90 musiciens) et le choeur du London Oratory. Impressionant et grandiose !
Enfin, une surprise qui ralliera peut-être tous les indécis qui trouvent que Sigur Rós c'est, soit trop
sombre, soit trop cérébral... Le groupe prouve avec "Inni Mer Syungur Vitleysingur", "Við Spilum Endalaust" ou le single
"Gobbledigook", qu'il sait composer des titres joyeux, enlevés et légers, presque pop pourrait-on dire.
En résumé, Með Suð I Eyrum Við Spilum Endalaust est un album absolument lumineux que l'on a hâte d'entendre en
live lors de l'une de ces prestations dont Sigur Rós a le secret. Le groupe sera au Zénith de Paris le 15 novembre 2008.