Depuis que la pub pour les cahiers Oxford les a placés sur le devant de la scène et que
"On My Shoulders",
single résolument catchy, est entré dans toutes les oreilles, on peut dire que The Do a déjà fait
couler beaucoup d'encre et fait chauffer les claviers des bloggers ! La sortie de leur premier album A Mouthful
a été précédée d'un buzz incroyable et les critiques de tout poil se sont déchainés ... Groupe pour bobos en mal
de sensation nouvelle peut-on lire ici, duo génial ou encore nouveau groupe phénomène français peut-on lire là ...
L'enthousiasme médiatique phénoménal qui a entouré le groupe a peut-être fait naître chez certains une attente
démesurée et un agacement certain chez d'autres. Remettons les choses en place et dans l'ordre : il s'agit de
musique qu'il faut donc avoir un minimum écouté avant d'en parler à tort et à travers et il s'agit avant tout du
premier album d'un groupe.
A Mouthful n'est évidemment pas l'album du siècle mais il est totalement injuste de le réduire à une
collection de titres composés suivant la même recette et taillés pour les FM ! Témoin ce "Playground Hustle" qui
ouvre l'album. Pas franchement pop, ce titre témoigne de la volonté du groupe de montrer, d'entrée de jeu, que
The Do n'est pas un duo formatté et que son travail procède d'une vraie recherche musicale. Mêlant
percussions renvoyant directement à des musiques ethniques, flûtes aériennes, psychédélisme digne des années 70,
chœurs d'enfants et zest de hip-hop, tout cela avec le plus grand naturel, "Playground Hustle" rappelle
un peu la voie empruntée par les soeurs CocoRosie. Cette démarche visant à s'éloigner du format pop
dans lequel des titres plus faciles d'accès ("On My Shoulders", "At Last !", "The Bridge Is Broken") auraient pu les
enfermer, on la retrouve également sur "Unissasi Laulelet", ballade finlandaise un peu folk mais sur une rythmique
typique de musiques traditionnelles africaines, sur le très hip-hop "Queen Dot Kong" ou encore sur "Coda" et
"In My Box", quasi instrumentaux qui me font penser aux expérimentations avant-gardistes de Pink Floyd
sur Ummagumma (1969).
A côté de ces cinq titres qui peuvent dérouter au premier abord (et déplaire peut-être à ceux qui attendaient
des copies de "On My Shoulders"), on trouve dix autres morceaux un peu plus classiques. Des deux excellents "At Last !" et
"The Bridge Is Broken" reposant sur un rythme un peu similaire et la voix haut perchée d’Olivia, aux superbes ballades
mélancoliques et dépouillées de "Song For Lovers" ou "Searching Gold" qui lorgnent vers du PJ Harvey,
en passant par le légèrement country "Stay" ou un génial "When Was I Last Home ?" aux accents Bjorkiens, quel foisonnement !
La diversité musicale de cet album témoigne des influences multiples d'un duo qui n'a pas voulu se contraindre dans un
genre défini pour ce premier jet. A l'écoute de A Mouthful, on sent que The Do a réalisé l'album
qu'il souhaitait faire et si cela peut donner l'impression de partir dans tous les sens, c'est que Dan et Olivia ont
cherché à explorer un certain nombre de voies, expérimenter les trucs qui leur passaient par la tête.
Au final, A Mouthful est un album très plaisant et qui se dévoile un peu davantage à chaque écoute.
Il faut prendre le temps d'en découvrir toutes les facettes, de profiter d'arrangements riches et parfois complexes
(Dan Levy n'est pas un admirateur de George Martin pour rien), de structures mélodiques originales et de savourer
tous les instruments improbables que le duo s'est amusé à utiliser. Pas l'album du siècle disais-je en préambule mais
pas mal pour un début ! Ils sont nombreux ceux qui rêveraient d'avoir écrit ne serait-ce que la moitié d'un tel album...
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