Malheureusement pour lui, Tricky a enfanté pour premier album un véritable chef-d’œuvre. Pour les fans de la première heure, Maxinquaye reste la référence ultime et Adrian Thaws aurait du refaire inlassablement ce même album... Mais Maxinquaye, c'était il y a 15 ans. Quel groupe ou chanteur a envie de réécrire la même chose, de faire du surplace ? Le monde bouge, Tricky lui-même a évolué et n'est plus le bad boy qu'il était à ses débuts. Alors arrêtons de dire que Tricky c'était mieux avant et prenons le temps d'écouter ce Mixed Race pour ce qu'il est, un album aux multiples influences comme son titre semble nous le souffler à l'oreille...

Mixed Race, neuvième album studio de Tricky, s'ouvre sur "Every Day", un titre pour le moins inspiré. Une ambiance sombre mais lascive, une voix féminine et sensuelle, celle de Franky Riley (la jeune femme qui a accompagné Tricky sur la tournée Knowle West Boy), le chant ténébreux de Tricky qui lui donne la réplique, un rythme hypnotique... "Every Day" tricote le genre d'atmosphère que Tricky maîtrise à merveille et on rentre dans Mixed Race par la grande porte. "Early Bird", "Ghetto Stars", "Come To Me" ou "Really Real" chassent sur les mêmes terres. Volupté et langueur féline sont au rendez-vous, portées par la voix charnelle et faussement ingénue de Franky Riley, accompagnées des murmures reptiliens de Tricky. Rien à redire, Tricky est à son affaire et domine parfaitement son sujet. Pour l'anecdote, on notera le côté jazzy de "Early Bird" avec ses cuivres impeccables ou de "Come To Me" qui swingue réellement grâce à une contrebasse pêchue. "Ghetto Stars" est parfait dans son opposition musique/paroles. Sur un substrat de cordes qui donnent au morceau une tournure suave, Tricky évoque sans détour les ghettos et la pauvreté qui engendrent voyous, crimes et emprisonnement. Au contraire des rappeurs qui parent les gangsters d'un côté glamour, Tricky a voulu dire les choses comme elles sont : ce qui attend les stars des ghettos, c'est la prison, point barre.

Tricky - Murder Weapon by DominoRecordCo
Sorti de ces sentiers battus, on trouve les énormes "Murder Weapon" et "Hakim", le surprenant "Time To Dance", tentative timide et un poil rigide de flirt avec le dancefloor, qui sonne comme du Kraftwerk, et les très urbains "Kingston Logic" de la Jamaïcaine Terry Lynn ou "Bristol To London", signé Marlon Thaws, le petit frère de Tricky. Une petite intro de boîte à musique qui joue "Comme d’Habitude", un cran de sécurité que l'on enlève, un automatique que l'on arme... Bienvenue dans "Murder Weapon" ! Une reprise du Jamaïcain Echo Minott, boostée aux stéroïdes et qui devient ainsi un rock lourd, catchy et hyper efficace. Un vrai single en puissance ! Quant à "Hakim", c'est la plus grosse surprise de l'album. Nul doute que certains grinceront des dents à l'écoute de ce superbe morceau oriental chanté en arabe par Rachid Taha et composé par Hakim Hamadouche, le petit génie du oud et du mandoluth. C'est tout à la fois voluptueux, grave et intense, frissons garantis...

Mixed Race ne dure que trente minutes mais ne s'égare ni en mots inutiles ni en notes superflues. C'est évidemment sombre, dense et tendu mais toujours accessible. Tricky s'ouvre à un métissage inattendu et tente des choses. On n'aime ou pas évidemment mais cette liberté nouvelle est plutôt bienvenue. Nous, on a aimé...

Partager

Tweet