Vincent Delerm a créé, dès son premier album, un style reconnaissable entre tous, voix douce,
ambiances feutrées, musiques semblant parfois surannées, name dropping, peintures réalistes d'un quotidien ordinaire... La
fraîcheur et l'impertinence de ce premier opus, avec des titres aussi inoubliables que "Fanny Ardant et Moi" ou
"Le Monologue Shakespearien", avaient déclenché un petit électrochoc dans la chanson française au point que l'on avait
parlé de nouvelle chanson française. Depuis, lové dans son univers musical, Delerm a poursuivi son bonhomme de chemin,
alignant les albums aussi régulièrement qu'un métronome, à raison d'un disque tous les deux ans.
Habitués que nous sommes désormais au style Delerm, la surprise n'est plus au rendez-vous lorsqu'on
pose une de ses nouvelles galettes sur la platine. Ce quatrième album studio, sobrement intitulé Quinze Chansons,
n'échappe pas à la règle... Mais, heureusement, le plaisir est toujours là... Delerm fait du Delerm, c'est évident, et il ne
faut donc pas s'attendre à un miracle côté musique. On pourra, par contre, se délecter des ambiances qu'il nous concocte toujours
avec un certain brio et, bien sûr, de ses textes, toujours aussi passionnants.
Après avoir exploré l'angleterre avec
Kensington Square
(2004), c'est de l'autre côté de l'Atlantique que Vincent Delerm a porté ses regards. Ambiance américaine donc et surtout
New Yorkaise pour quelques unes de ces Quinze Chansons qui sont d'ailleurs parmi les plus belles de l'album. Quelle
finesse dans l'évocation des attentats du 11 septembre 2001 à New York avec cet amour entre "Allan et Louise" qui s'achève brutalement,
quelle douce nostalgie dans ce "Shea Stadium" qui accueillit les Beatles en 1965 ou dans ce superbe "North Avenue" lent et dépouillé.
Oui, c'est cela que l'on peut retenir de cet album, une suite de polaroïds aux couleurs délavées, des portraits nostalgiques
évoqués avec tact et élégance toujours, mélancolie souvent, dérision parfois. Summum de ce quatrième album, un
"Et François de Roubaix Dans Le Dos" délicat, à l'orchestration impeccable, véritable hommage au compositeur de musiques de
films disparu en 1975 dans un accident de plongée. Les arrangements, parlons-en justement. Les cordes sont très présentes
(sept titres sur quinze) et on les doit à
Rémy Galichet
(Diving with Andy) qui fait ici un travail remarquable. Au final, un album qu'on n'a pas fini d'écouter...