Un drôle d'objet atterrit sur ma platine il y a quelques semaines : Carbon Glacier de Laura Veirs.
Tout m'intrigue dans ce CD, depuis l'auteur qui m'est totalement inconnue, jusqu'au titre de l'album - Carbon Glacier,
ça sonne bien : on se surprend à le répéter sans trop savoir pourquoi, mais qu'est-ce que ça peut vouloir dire ? -
en passant par la pochette noire et blanche. Ce dessin, à l'encre de Chine, faussement naïf, se charge de signification
après écoute de l'album et présente finalement un bon résumé des 13 morceaux, un peu comme une vignette de BD qui
n'a pas besoin de mots pour évoquer une idée. Après coup, on s'aperçoit également que le titre de l'album veut dire
quelque chose et que décidément, cette Laura Veirs excelle dans l'art de la concision pour résumer
son propos ! Mais ... chut, n'en disons pas plus pour l'instant et commençons par le commencement.
Positivement influencé par le packaging, nous en devenons curieux et nous lançons dans l'ascension de ce
Carbon Glacier de 39 minutes. Au bout du compte, on est bien embêté pour classer l'objet : est-ce de la
pop, est-ce à ranger dans les folksinger ... difficile de se prononcer, un peu des deux sûrement.
D'entrée, la voix fait penser à Shannon Wright, américaine elle aussi, et l'impression est
si saisissante - des titres comme "Salvage a Smile" pourraient figurer aux côtés de "Less Than a Moment",
"Hinterland" et autres "You Hurry Wonder" sur le très réussi Dyed in the Wool sorti en 2001 en France
dans une quasi confidentialité - que l'on se dit que ces deux là pourraient être sœurs. Mais la comparaison
s'arrête là. Alors que Shannon Wright fait parfois exploser sa rage et lorgne du côté de P.J. Harvey,
le propos est tout autre chez Laura Veirs.
Carbon Glacier est une ode à la vie et son éternel recommencement, un hymne à l'espoir qu'il faut
toujours avoir en soi malgré l'adversité ou les difficultés. Le 1er titre "Ether Sings" s'achève sur ces vers :
"Souls lost out in the ether of death
Come back wise in the eyes and the arms of newborns"
Ainsi dans le cycle de la vie, les âmes parties au royaume des cieux reviennent sur Terre sous la forme de
nouveaux nés, de même que les roses en se fanant sèment les graines qui feront jaillir les fleurs prochaines :
"The rose is not afraid to blossom
though it knows its petals must fall
and with its petals fall seeds into soil"
Dans "Lonely Angel Dust".
Et c'est peut-être là, dans ce thème de l'éternel recommencement, qu'il faut comprendre le titre de l'album.
Le monoxyde de carbone que nous rejetons réchauffe les glaciers qui fondent, faisant monter les océans qui
précipitent peut être la fin du monde ... mais la Vie n'est-elle pas arrivée sur Terre par des organismes issus
des Mers ? Est-ce un peu tiré par les cheveux comme interprétation ? Difficile de penser que ce Carbon Glacier
n'a de sens qu'au 1er degré. Il semblerait que ce soit le nom donné au Mont Rainer (près de Seattle où vit
Laura Veirs) chargé de charbon, dont les pentes, exposées au nord sont couvertes de glace. Ce mélange confère
à la montagne un aspect noir, gris et blanc d'où le surnom Carbon Glacier. Vu les thèmes développés dans l'album
et les mots choisis pour les exprimer, on a du mal à croire que Laura Veirs a pris ce titre
d'album aussi innocemment, ou alors, elle a un sacré inconscient !
Pour soutenir ce thème principal de la Vie tout au long de l'album, on retrouve, au gré des 13 morceaux,
les 4 éléments sacrés. L'Eau est omni présente (7 titres), la Terre apparaît
comme un élément qu'il faut
creuser pour se protéger dans "Wind is Blowing Stars" et "Shadow Blues", l'Air, c'est le
vent dans "The Cloud Room" et "Wind is Blowing Stars", le Feu c'est l'éclair dans
"Icebound Stream".
Pour ce qui est de la musique, les mélodies sont finement ciselées, guitare en avant dans la tradition
du songwriting mais enrichies d'instruments aussi divers que viole, glockenspiel, violoncelle, orgue, ...
sans dédaigner de ci de là, l'apport de l'électro via l'introduction de quelques boucles. Les souvenirs
d'un passé - récent - où Laura Veirs faisait partie d'un groupe Punk ressurgissent
sur "Salvage a Smile" où les guitares saturées donnent un petit côté inquiétant à un titre dont le texte est
déjà bizarre par lui même.
On pourrait encore trouver à dire sur cet album qui, bien que surprenant et pas facile au départ, se laisse
fort bien apprivoiser. Réellement un bel album et si l'on en croit la critique (NME : 7/10; Rock'n Folk : 4*;
Rock Sound : 8/10; Les Inroks : In comme Indispensable; Uncut : 5* et Album du Mois lors de sa sortie;
The Independent : 5*; ...), on n'est pas les seuls à avoir aimé !
Mention spéciale à "Rapture" où il est question, entre autres, de Claude Monet et de Kurt Cobain : quelqu'un
qui arrive à lier deux personnages aussi étrangers l'un à l'autre, on lui tire forcément son chapeau !
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