Barbara Carlotti est douée et, en plus, elle a de la chance : deux ingrédients pas inutiles quand on veut réussir dans le monde impitoyable de la musique. Douée car, aligner des titres comme "Anaïs", "Tunis", "Cannes" ou "Paris Plage" dès le 1^er EP (Chansons - 2004 - Microbe - 7 titres), il faut le faire ! Autant de perles, d'une maturité étonnante, des arrangements léchés, tout cela cachait un talent qui ne demandait qu'à éclore ...

De la chance, Barbara en a aussi, jugez plutôt : dès son 1^er projet de disque, Bertrand Burgalat (excusez du peu) accepte de travailler sur les arrangements de certains titres (dont "Cannes"). Ensuite, lors d'un concert dans une petite salle, Laurent Rossi, directeur de Beggars Group France, présent dans la salle, lui propose d'en être la 1^ère signature française. C'est ainsi qu'elle signe chez 4AD (excusez du peu encore une fois ! Ce label prestigieux label abrite Blonde Redhead, Cocteau Twins, Dead Can Dance, Lisa Germano, Piano Magic, TV On The Radio, ...) et que l'aventure commence. Cela nous vaut aujourd'hui d'entendre Les Lys Brisés, premier véritable album de la dame.

Ce que l'on avait pressenti sur Chansons se confirme ici. L'ensemble fait preuve d'une grande maturité et d'une réelle cohérence. Outre les titres "Tunis" et "Cannes" déjà rencontrés sur le 1^er EP - et que l'on est très content de retrouver ici tant ils semblent indispensables - douze autres morceaux viennent complèter cette galette. Quatorze plages (on a doublé par rapport à Chansons) pour un peu plus de 40 minutes et une belle réussite à la clef. Les jeux de guitare (surtout à l'acoustique) et de basse de Jean-Pierre Petit et Sébastien Hoog, la voix surannée et un peu distante de Barbara - on pense tour à tour à Juliette Gréco, Christine Sèvres, Isabelle Mayereau - la production dépouillée de Benoît Rault (Ben's Symphonic Orchestra) : tout cela fait mouche et Les Lys Brisés aligne de véritables joyaux. Je ne reviendrai pas sur "Tunis" et "Cannes" dont je ne me lasse pas mais, parmi les nouveautés, des titres comme "Mélodie de la Dernière Pluie", "Silence" ou "Peu Importe" sont de véritables petites merveilles. L'adaptation de "A Rose for Emily" des Zombies est une vraie réussite : Barbara Carlotti s'approprie d'autant mieux le titre qu'elle en a carrément écrit le texte français. Plutôt que de reprendre les paroles originales et de simplement les traduire, Barbara a écrit les siennes en se basant sur la nouvelle de Faulkner qui avait inspiré les Zombies. Même si je ne place pas les autres titres de l'album sur le même plan que ceux précédemment cités, on ne peut que se rendre à l'évidence, des chansons comme "D'Accord", "La Nuit des Amants", "Trop Tard", Rien ne Presse" ... beaucoup aimeraient les avoir dans leur besace !

Au final, un album d'une grande élégance, aux paroles toujours impeccables, à l'ambiance mélancolique comme un jour pluvieux d'automne mais n'est-ce pas une belle saison l'automne, avec sa douceur et ses couleurs extraordinaires ! Barbara Carlotti, tout comme Babx, découvert récemment, (Babx - 2006 - On Music), nage à contre courant de la dite nouvelle chanson française comme aime à la nommer les journalistes. Ces deux là sont très jeunes et ils se paient le luxe, dès leur 1^er album, de sonner comme des classiques de la chanson française ... N'est-ce pas le propre des grands d'être intemporels ?